Monday, March 26, 2012

Cargolux dans Hans im Glück


En tant que contribuables-actionnaires, il est certes difficile d'entrevoir la réalité de l'avenir de Cargolux, en raison de la nature opaque du corporatisme d'état à la luxembourgeoise. Ce qui n'est pas transparent, invite bien sûr à l'examen et aux appréciations sur le possible. Face à l'opacité, il n'y que les quelques indices et les fuites de ma tante Léontine pour percer le voile. Il reste donc la spéculation à laquelle je préfère une appréciation méthodique du possible.

Les indices apparents sont les douleurs intestines évidentes dans le management de Cargolux, le programme d'austérité et les restrictions récentes, les pertes de clients notamment au profit de Qatar Airlines, les déclarations de Monsieur Al Bakr sur l'incompétence du management, les mouvements de personnel aux postes clés. Ce sont des indices foudroyants!

D'un autre côté, une appréciation de la vraie situation, et non celle décrite dans la langue de bois de communiqués officiels se base sur trois questions simples qui dévoileront les possibilités:

1. Pourquoi vend-on?

On (donc Cargolux) vend généralement pour un de ces deux motifs:

·    parce qu'on a besoin de capital. On vendra donc des nouvelles actions, ce qui correspond à l'obtention de capitaux nouveaux.

·    parce qu'on a décidé de sortir de l'affaire (par exemple BIP). On vendra donc ses actions. La société changera simplement de propriétaire sans apport de capitaux nouveaux.

2. Pourquoi achète-t-on?

On achète (donc Qatar Airlines):

·    soit pour améliorer son bilan (ce n'est manifestement pas le cas en ce qui concerne les revenus de Cargolux).

     soit pour acquérir un savoir faire (Monsieur El Bakr a eu des mots peu élogieux au sujet de la compétence de la direction de Cargolux dans le passé)

     soit pour obtenir des marchés qu'on n'a pas. Qatar Airlines a en effet déjà marché sur les plates-bandes de Cargolux notamment aux USA, cannibalisant ses clients,

     soit pour à terme éliminer un concurrent gênant en contrôlant une partie de l'actionnariat et quelques postes clés. C'est fait.

3. Pourquoi n'y a-t-il pas eu augmentation de capital?

C'est le point de confusion: Cargolux a besoin de capitaux. Les amendes brutales et les pertes des dernières années, les pertes de clients, la fourniture de nouveaux avions etc. crient à l'augmentation du capital. Il aurait fallu créer dès lors des nouvelles actions à acquérir par le plus offrant, qui officiellement était Qatar Airlines, inofficiellement Yangtse River. Ainsi l'un aurait renfloué Cargolux de $117.5 millions, l'autre de $175 millions, se voyant attribuer 50 nouvelles actions pour chaque centaine d'actions existantes.

Pourquoi a-t-on privilégié la sortie d'actionnaires existants à la place, surtout qu'il semble que c'était le gouvernement et non pas eux qui ait trouvé le nouvel actionnaire Qatar Airlines?

L'histoire du corporatisme d'état luxembourgeois se résume comme le conte des Frères Grimm, Hans im Glück: Hans a donné ou perdu tour à tour un gros lingot d'or, un cheval, une vache, un cochon, une oie et une meule. Lire Arcelor, RTL BIL, BGL, Villeroy Boch, Cargolux et l'histoire est juste plus longue.

L'histoire finit bien pour Hans: il était tout heureux d'avoir pu se dessaisir de tous ces fardeaux. 

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