Sunday, September 20, 2009

Luxembourg, Pittsburgh et Bonus : Il nous faut des règles

Une tribune signée par les ministres des Finances des membres européens du G20, du président du Conseil de l’UE et du président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker a été publiée le 04 Septembre 2009.

http://www.europaforum.public.lu/fr/actualites/2009/09/tribune-g20/index.html

Cette lettre aurait pu être signée par les sept nains

Cette lettre laisse perplexe, car on n’apprend rien de concret sur ces règles et en fait le language est tellement incolore, qu’il pourrait très bien servir, avec peu de changements, pour se lamenter des lenteurs du tram, du manque de vaccins pour cueilleurs de prunes ou pour s’élever contre les agissements de la belle-mère de Blanche Neige et exiger la création de règles de conduite pour belle-mères. C’est une belle lettre modèle pour le Petit Guide de la Secrétaire Parfaite.

Essayons de l’utiliser â cette fin : voici une parodie du chapitre d’introduction d’un grand quotidien luxembourgeois. Remplaçons les quelques rares désignations concrètes et noms par les noms de l’intrigue des frères Grimm, Blanche Neige. Lehman Brothers = belle mère, finances = mines de diamants de Walt Disney où les sept nains travaillent à des cadences infernales.

« Dans le cadre de la réunion des ministres des finances du G20 qui se tient ce vendredi, samedi et dimanche à Londres, les sept nains ont signé une lettre ouverte qui appelle à l'encadrement au plus vite des rémunérations variables (dit Bonus) dans le secteur minier exploité par Walt Disney. »

Amusant n’est-ce pas ? Surtout en imaginant les signatures: Timide, Prof, Grincheux, Atchoum, Simplet, Joyeux, Dormeur.

Cette lettre est bien inutile parce qu’elle ne dit rien de positif sur les signataires, leurs actions ou leurs solutions.

La lettre fait miroiter un consensus entre sept personnes qui ne sont d’accord sur rien

· Les signataires n’ont rien fait pour avoir des règles en place depuis l’effondrement de Lehman Brothers il y a un an. Pourquoi publier une telle lettre, qui doit soulever des questions sur le manque d’initiative, la compétence et le courage des signataires et aussi des autres acteurs? Il n’a fallu que quelques jours aux Sauveurs du Monde pour dépenser $5.000 milliards. Mais en 365 jours, ils n’étaient pas capables de faire une seule règle. Donc ils s’adressent des lettres entre eux. La montagne n’a pas accouché de la moindre souris.
· Avez-vous remarqué que l’anglais n’a pas signé cette lettre ? Il est vrai qu’il n’y a que sept nains. Avec lui, cela aurait fait huit. Il aurait pu signer comme Picsou au moins.
· Il est vrai qu’il y a aussi une lettre concurrente des Trois Mousquetaires, Brown, Merkel, Sarkozy, ce qui comprend un anglais. C’est un autre modèle pour le Petit Guide de la Parfaite Secrétaire. Si je comprends bien, le nombre potentiel de lettres de cette sorte est une permutation de tous les acteurs financiers dans le monde pris 2 par 2.
· Sauf aux Etats Unis, où quelques têtes sont tombées, il n’y a pas eu beaucoup de sanctions non plus. La plupart des copains sont toujours en place en Europe, même après leurs performances désastreuses.
· Les sept signataires exhibent une schizophrénie bien diplomatique en se référant à la réunion du G20 d’avril 2009 : ils se cantonnent dans le rayon limité des bonus et passent sous silence l’évasion fiscale qui pourtant dominait cette réunion. Et passent plus encore sous silence le blanchiment ou la corruption. Pourtant ces sujets étaient présents dans les esprits des signataires, et ils s’en accusent mutuellement, par la presse interposée. Mais ils ont choisi le sujet facile, le bouc émissaire que tout le monde aime à haïr ces jours-ci : le banquier indélicat et grippe-sous.
· L’histoire ne dit rien du bonus que mériterait ce Superman, qui peut-être n’aurait pas fait de bénéfice, mais qui aurait sauvé Lehamn Brothers, Landsbanki et Kaupthing. Il aurait mérité un bonus impayable, malgré l’absence de profits !
· Elle ne dit pas non plus comment compenser Gaston Ghrenassia, ou au moins déflecter son impact négatif et le faire taire. Ce silence serait impayable aussi, si cela pouvait être fait. Comment, vous ne connaissez pas Gaston ? Non, il n’a rien à voir avec Walt Disney, mais il est une célébrité du showbiz quand-même. Il s’agit du vrai nom d’Enrico Macias, qui paraît-il a perdu 20 millions d’euros dans une banque islandaise à Luxembourg. Tout produit cherche une célébrité pour promouvoir son message. Enrico va-t-il chanter les avantages du centre financier de Luxembourg ?

A Pittsburgh, le Luxembourg pourra donner le fier exemple

Les sept signataires donnent seulement l’impression d’être d’accord sur une chose : les bonus. Ils risquent finalement de diverger entre eux et aussi avec les Etats Unis. Reste que le Luxembourg pourra donner l’exemple. Car finalement faut-il le rappeler que le Gouvernement luxembourgeois, depuis des années, paye des bonus controversés à certains de ses fonctionnaires. Il peut donc montrer l’exemple en revoyant sa politique.

Les bonus sont les compensations que quelques rares fonctionnaires, sélectionnés et en grâce partisane, accumulent comme représentants du gouvernement dans divers Conseils d’Administration de banques et de sociétés. Le conflit éthique évident est rapidement classé par l’argument que ces individus sont tellement qualifiés, que sans cet avantage supplémentaire, ils quitteraient leurs emplois pour le secteur civil… Plus maintenant, car les bonus dans le civil seront limités, si je comprends bien la lettre dont nous parlons.

Voilà donc une proposition concrète pour en faire de même pour ces fonctionnaires, au risque de sonner aussi « populiste » que la lettre en question. Je recommande que l’on limite ces compensations en exigeant que 90% soient automatiquement à céder à une œuvre charitable telle que la Fondation Prince Henri – Princesse Maria Teresa qui supporte les causes des personnes handicapées. De cette sorte la générosité gouvernementale s’étendrait aux plus défavorisés parmi nous. A partir de là, toute critique serait sans objet.

Les 10% restants collectés par ces fonctionnaires semblent en effet représenter une prime justifiable pour des prestations qui somme toute viennent avec la fonction et sont fournies pendant les heures normales de travail. Ce sera aussi plus facile de désigner de temps en temps, pour raison de diversité, d’autres fonctionnaires méritants comme administrateurs: un instituteur, un douanier, un policier un magistrat par exemple. Tout ce qu’il faut pour fonctionner dans un tel Conseil d’Administration est une tête bien pensante, pas une affiliation politique.

Finalement, faut-il rappeler qui fait les lois et les règles? Celles-là seraient plus utiles qu’une lettre avec sept signatures.

Egide Thein
egidethein.blogspot.com

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